Où se Trouve l’Extrême-Orient ?

Le terme « Extrême-Orient » n’a pas de signification commune, et les dictionnaires ne s’accordent pas sur les limites de l’expression.

C’est une question de perspective et de perceptions nationales. L’imaginaire s’est davantage concentré sur l’Est que sur l’Asie.

Le terme « Extrême-Orient » désigne une nation particulière de l’Extrême-Orient, plutôt que le sous-multiple de la planète désigné par ce nom.

Un seul pays d’Extrême-Orient peut être identifié par épithète, synecdoque, généralisation, et ainsi de suite, comme Orient ou Asie. Enfin, plusieurs noms sont utilisés de manière interchangeable avec ou

Au-delà des images de chaque nation ou région, il y a le concept d’Extrême-Orient en raison de son origine, qui a donné lieu à une représentation globale : noms, images, scénarios et cohérences politico-culturelles selon le point de vue des nations qui regardent et sont regardées.

1.Nomination et prolongation

Quelques textes permettent de dater le terme « Extrême-Orient » Pour les années où il n’est pas mentionné dans la bibliographie du Japon en France (l’Asie orientale apparaît une fois), il est vu dans les imprimés.

Il émerge des dates de publication, avec des titres comme Le Japon de nos jours et les échelles de l’Extrême-Orient (1877) de Georges Bousquet, qui rivalise avec l’Asie.

Rutherford Alcock, un diplomate anglais qui a écrit The Capital of the Tycoon (1862), évoque la reconnaissance forcée d’un autre Orient dans ce livre sur les origines du nom.

Les pays d’Europe de l’Est doivent leur nom au fleuve Donets, qui se jette dans la mer Noire à Simferopol. La mer Caspienne est située entre eux et la Russie.

Pendant plusieurs siècles, à partir de l’époque d’Alexandre Sévère, cette région était constituée de ce que les Européens appelaient alors le « Levant », ou « soleil levant » Ce terme vient d’un mot grec signifiant « est » (LIVINGSTON).

L’Orient, dans la conception populaire, était connu du monde jusqu’à une époque récente.

Après l’arrivée du Portugais Vasco de Gama sur les côtes indiennes en 1498, la Chine et le Japon ont fait partie des nations avec lesquelles nous avions des liens commerciaux ; néanmoins, l’Inde a dominé toutes les idées connues de « l’Orient » À notre époque, nous commençons tout juste à comprendre un Orient qui s’étend au-delà du Gange.

L’idée de la déclaration d’Alcock est identique à celle des anciennes catégories : Est et Ouest, Asie et Europe, spiritualisme et matérialisme, développement et contemplation :

Nous ne devons pas plus à la Grèce et à Rome, en ce qui concerne la culture de la raison, du goût et du sens du beau, d’une part, ou le génie du gouvernement, ou l’esprit de l’ordre légal et de l’organisation juridique, d’autre part, qu’à l’Asie pour sa résistance permanente et silencieuse contre le matérialisme et les tendances essentiellement pratiques mais ordinaires de toutes les nations européennes.

L’Asie a toujours eu un penchant pour la spiritualité, qui est souvent onirique et mystique, mais elle a toujours été accompagnée d’une imagination débordante axée sur les composantes inconnues, spirituelles et mystérieuses d’un autre monde.

Elle s’est souvent tournée vers les choses du ciel pour trouver son inspiration, alors que nous gaspillions nos efforts dans des activités terrestres et matérielles dont le but ultime était le gain personnel.

Afin de recevoir ce supplément d’Orient, Alcock accepte, sous l’autorité de son ancien chef de service, John F. Davis, un diplomate et sinologue considéré comme le seul capable de comprendre les informations japonaises.

Alcock a également lancé un projet de recherche visant à acquérir une expertise qui aiderait le développement commercial de la Grande-Bretagne dans la région :

Dans les régions lointaines de l’Asie, où vivent les Siamois et les Cochinchinois, parmi lesquelles la Chine et le Japon, les études seront poursuivies avec ardeur jusqu’à ce qu’une chaîne visible et continue, maillon par maillon, d’avantages égaux, fasse le tour du monde.

Un nouvel orientalisme se construit sur les bases du commerce mondial. Cette répartition des connaissances correspond à la division du monde par la diplomatie anglaise.

Dès sa création, le service consulaire d’Extrême-Orient est traité séparément du service principal, en raison des difficultés d’apprentissage de la langue.

Avant de venir au Japon, les élèves-interprètes ont fait leurs études en Chine. Alcock ouvre une nouvelle perspective sur un autre Orient, ni Levant ni Inde, qui contient le Japon, la Chine, le Siam et la Cochinchine.

Du milieu du XIXe siècle à la fin du XXe siècle, cette région était connue sous le nom d' »Extrême-Orient » En 1877, Georges Bousquet a décrit un voyage d’Edo (Tokyo) à Paris qui comprenait des escales à Hong Kong, Canton et Macao, Manille, Singapour, Java, Ceylan (aujourd’hui Sri Lanka) et Aden.

« C’est vraiment pratique d’avoir une voiture », ai-je dit avec enthousiasme. « Avec sa rue à Négresses, qui offre de merveilleuses séances de danse du ventre pour les voyageurs venant d’Extrême-Orient, et avec tant d’endroits à visiter entre les deux,

.En 1895, le commandant de Pimodan établit la zone de Singapour, qui est à la fois commerciale – les balances du Levant sont déplacées vers l’Extrême-Orient – et mondaine, et ne limite pas l’Extrême-Orient à la Chine.

.Dans les années 1920, la différence entre les écoles rurales et urbaines se réduit. L’inspecteur général de l’instruction publique Émile Hovelaque s’inquiète de cette fracture.

Dans son livre sur la Chine, il raconte son premier voyage en Orient. L’observateur distingue strictement le monde indien de l’Extrême-Orient, dont la topographie inaccessible est reflétée par un visage jaune aux yeux bridés et aux pentes abruptes.

La perspective organiciste est maîtrisée : le relief, la race et l’environnement sont tous les éléments d’un même ensemble monolithique qui se caractérise par son mystère impénétrable et l’oppose au monde occidental basé sur la lumière, et qui se définit par son antipodalité.

Léon Vandermeersch, sinologue, va un peu plus loin dans la délimitation du périmètre extrême-oriental. Cette fois, il s’agit de cohérence culturelle – et peut-être même de fraternité biologique – au sein du monde sinisé, d’où l’appellation d’Asie des significations.

Le monde sinisé a été créé à la suite d’un impérialisme politique ou culturel, mais la différence de développement historique et politique n’a pas eu raison de l’uniformité culturelle, et la réémergence du confucianisme a revitalisé l’économie en Asie de l’Est.

Toutefois, si des éléments culturels communs sont admis, le concept de domination chinoise est rejeté par les Japonais.

Malgré les contorsions subjectives des personnes concernées, une vision occidentale est toujours en jeu, qui jaunit, sinifie et inscrit l’Orient.

2.Mythes, scénarios et images d’Extrême-Orient

Chaque nation d’Extrême-Orient donne naissance à des expressions, notamment celles qui se rapportent aux relations, aux images, aux scénarios, aux mythes ad hoc, et celles-ci font davantage partie de l’arsenal de la boutique attractive de la région. Le Japon – l’Empire du Soleil Levant – fascine par ses samouraïs, ses geishas, son art, autant que par son avancement, son dynamisme et sa force d’expansion.

Si le gouvernement chinois est criminel, despotique et meurtrier, son peuple est généreux et bon. En revanche, la Chine, l’Empire céleste, apparaît désuète, empêtrée dans les rituels confucéens, abrutie par l’abus d’opium, et ruinée par le jeu ou par des mandarins corrompus.

La Corée est un pays rustique et sauvage, rural et doux, pauvre mais gentil, une imitation de la Chine et du Japon. Elle est encore un État tributaire que le Japon fait renaître. La Corée, le pays de la sérénité matinale, est encore une nation ermite, traditionnelle et sauvage, pauvre mais noble

Paradis des érotomanes, hommes ou femmes, avec ses congaïs et ses garçons, l’Indochine est un carrefour de l’opium. Elle est le véritable symbole du désir sexuel.

L’Observatoire de Ch’ang-an, également connu sous le nom d’Observatoire confucéen et bouddhiste, est un musée consacré à la culture asiatique.

Les représentations idéologiques des pays prédominent sur les représentations utopiques.

Les observateurs sont plus enclins à penser les nations en termes de progrès et de développement, d’où leur approche axiologique – l’incapacité des races inférieures, à un moment où elles n’ont plus d’options, d’acquérir la civilisation après des siècles d’efforts – praxéologique – la véracité du colonialisme ou, dans le cas du Japon, de l’auto-colonisation – et épistémique

D’autres estiment que l’Extrême-Orient vole des instruments ou des techniques sans leurs valeurs ou même leur religion, en conservant son âme asiatique et sa haine de l’étranger : L’Oriental ne change pas, et il peut devenir très dangereux.

Le pendant fictionnel de la métropole réelle d’Extrême-Orient est un lieu d’harmonie dans certaines visions utopiques : Lafcadio Hearn construit la ville japonaise, incarnation de l’évolutionnisme spensérien, qui réconcilie éthique et esthétique ; Eugène Simon (1829-1896) avec La ville chinoise (1885), Goldsworthy Lowes Dickinson (1862-1932) et ses Lettres d’un fonctionnaire chinois étant une vue orientale de la civilisation occidentale (1903), offrent une Chine paisible et élégante.

Le terme « Extrême-Orient » est parfois utilisé dans la conversation pour décrire un lieu, ou des histoires interculturelles qui se déroulent dans cette région et contrastent avec les nations qui la composent.

De nombreux lieux communs ont été relevés par des passants originaires d’Extrême-Orient à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. En voici quelques exemples :

  • La lingua franca de l’Extrême-Orient est constituée par les caractères chinois, qui sont représentés dans Unicode par « xn--1s7j3b ».
  • Le protagoniste de ce drame est Kubilay Khan, un personnage distant, impitoyable et occulte qui manigance d’autant plus que ce symbole du pouvoir ne semble pas apparaître.
  • La foule était un symbole de la vision pessimiste selon laquelle l’humanité se dirige vers une catastrophe, ainsi qu’une image de l’Occident envahi par l’Asie. Avec les images de la ruche, de la horde, de la fourmilière, Claudel évoque dans L’Oiseau noir dans le soleil levant ces foules épaisses que sont les foules asiatiques .
  • en grande quantité dans tout le Japon, et exporté vers les principaux ports d’Extrême-Orient

L’Extrême-Orient adore, dans des temples de la volupté qui n’ont rien de lupanars, les délices de sa civilisation avec des femmes façonnées corps et âme pour leur plaisir par une discipline et un art séculaire, rivalisant avec l’hétaïre locale en Chine ou la conga indochinoise.

L’Extrême-Orient savoure, dans de somptueuses barques fleuries de Chine ou d’Indochine, les saveurs de sa cuisine, auxquelles s’ajoutent des formes féminines créées spécialement pour son plaisir par une pratique et un art séculaires

Ces objets dégagent un exotisme distinct associé à la région sinisée, la race (jaune), la population (nombreuse), la dominance spatiale (riziculture, plaines), la culture matérielle (bois, baguettes, jinrikisha) et la culture spirituelle (bouddhisme, confucianisme) contribuant à donner à cette vue un aspect différent. Cependant, avant de voir la variété de cette région, l’observateur est d’abord confronté à sa similitude.

Si Pimodan se divertit de la variété humaine qu’il classe avec soin, Bellessort, qui a rejoint la France à la déclaration de guerre de 1914, s’amuse du spectacle diversifié des métissages, d’un monde gâché par le cinéma occidental qui le fait aspirer d’autant plus à un espace pur, à l’image de sa France indivisible.

Si Leroy-Beaulieu exploite les paysages exotiques de la Sibérie pour distinguer le Japon de la Chine, Pimodan s’amuse de la diversité des hommes et les classe avec soin tandis que Bellessort, qui a rejoint la France au début de la guerre en 1914, s’amuse de voir les hommes de son pays se mélanger .

Le XXIe siècle est aussi la fin de cette société future, fondée au lendemain d’une terrible catastrophe. Les survivants du monde, on peut le déduire de sa fin de partie, seront alimentés par la résistance d’Hovelaque contre la Chine et ses alliés avec l’immense horde de barbares.

L’expérience vaut la peine d’être répétée plusieurs fois. Un environnement diversifié, coloré et fragmenté qui crée une sensation de mixophobe.

Pour des représentations plus détaillées, on peut se tourner vers les romans ou les essais qui se concentrent sur la lutte entre les nations occidentales et orientales.

Les lieux étrangers sont fréquemment utilisés dans ces récits, surtout lorsqu’il s’agit de la romance de mélange, qui est généralement une source de drame plutôt que de promesses de métissage.

Ces récits aboutissent souvent à la conclusion qu’ils sont racialement et culturellement incompatibles en raison de la mixophobie qui prévalait à l’époque dans l’esprit des gens .

Dans ses écrits, Farrère dépeint l’Orient en général. Il dépeint le Japon, à l’aube de la bataille de Tsushima, prêt à affronter les Russes, et la Chine, qui, du point de vue d’un mandarin, à travers les yeux de Tchéou-Pé-i, se demande si la technologie peut corrompre la culture japonaise avant de se demander si ce pays ne s’est pas écarté du chemin du temps.

À l’énergie du Japon triomphant s’oppose la léthargie et l’attentisme de la Chine.

L’environnement indochinois, montré comme dépravé dans Les civilisés, est le mauvais aspect du Japon. Si la jungle indochinoise est trop corrompue pour se libérer de son emprise, le Japon n’a recours à l’immoralité que pour maintenir sa liberté et son indépendance.

Pour aider son mari, la marquise Yorisaka La Bataille fait semblant de coucher avec un officier anglais nommé Fergan afin qu’il divulgue ses secrets militaires qui lui assureront la victoire : immoral mais patriotique.

Un prétexte à l’essai ou à la fiction, ainsi qu’une raison de visiter l’Europe, est le voyage d’un Extrême-Orient, l’incarnation de l’Extrême-Orient.

Dans Un conservateur , Kokoro, un samouraï japonais qui a voyagé pour découvrir l’Occident et revenir déçu aux valeurs de sa nation, imagine un célèbre conte court intitulé Un conservateur de Lafcadio Hearn. Le samouraï oppose la décadence occidentale au vieux Japon et aux vertus de l’Extrême-Orient :

Pendant ces années, il a vu la civilisation occidentale comme peu de Japonais l’avaient vue auparavant.

Il est certain que l’ancienne culture japonaise de la bienveillance et du devoir était de loin supérieure dans sa compréhension du bonheur, des aspirations morales, d’une foi plus grande, d’une bravoure joyeuse, de la simplicité et du désintéressement, de la sobriété et du contentement. La supériorité de l’Occident n’était pas fondée sur l’éthique .

En 1926, l’auteur néerlandais André de Mulama (1899-1943) a publié Qu’est-il arrivé à Jésus ? qui est un récit romancé de la vie de Jésus. Le Bouddha Vivant (1930) de Paul Morand, inspiré par Hearn et La Tentation de l’Occident (1926) d’André Malraux, est l’un de ces récits.

3.Pour un compte-rendu historique de la manière dont l’Extrême-Orient a été reçu d’Ouest en Est et vice versa

Venons-en aux interprétations politiques, culturelles et poétiques, qui font partie du débat d’idées à l’époque moderne et contemporaine, après avoir examiné les généralités et les représentations narratives de l’Asie.

La lutte pour un énorme marché, où chaque puissance industrielle, ancienne ou nouvelle, a des objectifs à protéger, s’étend du conflit sino-japonais à nos jours. Après une visite au Japon en 1877, le théoricien du droit Georges Bousquet annonce une question extrême-orientale, liée selon lui au danger d’une invasion asiatique.

Il craignait que les masses asiatiques, qui n’avaient pas adopté l’éthique du progrès de l’Occident, ne retournent leurs propres armes technologiques contre l’Occident et ne lui viennent en aide.

Le péril jaune est un concept psychologique qui est apparu au cours du XIXe siècle dans les pays occidentaux, notamment aux États-Unis. En France, où le darwinisme est mal perçu, le péril jaune est moins présent sur le terrain.

Hovelaque : Ville industrielle, Hovelaque ressemble plus à une ville qu’aux métropoles. Après la révolution russe, la Russie devient un symbole du péril jaune, surtout à Hovelaque :

Le bolchevisme, comme toutes les formes de socialisme, est dérivé du vieux communisme russe et des idées tout asiatiques de Tolstoï.

Peut-être faut-il considérer cette tentative comme une nouvelle forme de la haine éternelle des Tartares pour l’égalité et la destruction, une révolte de l’Asie fataliste et impersonnelle contre la notion occidentale de vie centrée sur l’individualité, l’effort et la lutte continuelle.

Dans son essai « Asiatiser le bolchevisme et la Russie », Hovelaque interprète le péril jaune comme la manifestation d’une maladie sociale : l’incohérence entre l’éthique revendiquée de l’Europe et ses injustices évidentes, qui afflige l’Occident.

Malgré le péril jaune, la culture occidentale crée des visions de l’Orient qui lui permettent de résoudre ses problèmes par l’assimilation ou la fuite. L’Extrême-Orient est réifié comme une forme classique d’humanisme.

C’est aussi un dispositif herméneutique pour l’utilisation d’un Occident en quête de sens, d’être et de forme : la réflexion sur l’art établit un système de sens.

Dans Madame Chrysanthème, Pierre Loti minimise l’importance du Japon. Il déplore que tant de raffinement ne serve à rien face à une magnifique poignée de porte. Paul Claudel, en revanche, voit dans le temple de la nature du Japon le dessein divin qui supervise le revêtement naturel de l’artiste.

Selon un chiffre subtil qui est la base du fengshui, il découvre la communication cachée entre les choses. Les rites d’arpentage permettent de connaître la quantité de musique présente dans chaque région.

Le point de vue opposé de Barthes dans L’Empire des signes est centré sur le décentrement du symbolique : le centre vide de Tokyo sert d’exemple à l’évacuation du Père.

L’idée d’insignifiance a été introduite pour la première fois par Roland Barthes dans son essai « De la grammatologie ». Le signe devient le contour de ce qu’il signifie, il n’y a pas de débordement sémantique, la forme esthétique triomphe de l’herméneutique, et le japonisme devient l’ordre naturel du sens.

Enfin, Jean Blot souligne que l’Asie a conservé l’art du mouvement et du placement prudent. Dans la porcelaine coréenne, l’Asie délivre son message :

La plaque qui signifie, représente et explique ce que signifie être posé, concrètement, comment on peut, et on doit, toucher le sol, ainsi que la signification de cette phrase et de son verbe « toucher », sont tous exprimés à travers la forme et le sens.

L’Orient, selon le système de Linnaeus, finit par symboliser la paix ou la détente, alors que l’Occident d’Alcock est associé à la guerre.

Malgré ces efforts pour modifier l’Orient, un binarisme persiste : celui de l’engourdissement et du mouvement contre le mouvement et l’engourdissement, sur lequel le philosophe Peter Sloterdijk continue de jouer même s’il est méprisé par Jack Goody.

En réponse à l’image occidentale d’un Extrême-Orient que le Japon voulait conquérir, le Japon s’est défendu et a construit une contre-image de l’Asie. La perspective japonaise développe une représentation de l’Asie à travers une campagne internationale visant à renforcer la réputation du Japon.

Il s’agit du péril jaune, qui a été déclenché par la question de l’Asie orientale. En 1903, Okakura Kakuzô a publié The Ideals of the East (1903), qui a servi de catalyseur au débat interculturel de l’Europe et des États-Unis dans les années 1920 et 1930.

Okakura pensait que l’Asie était un seul continent et que le Japon pouvait servir de grand musée de l’Asie après être sorti de la longue période d’obscurité sous le shogunat Tokugawa.

Dans The Awakening of Japan (1904), il exalte la notion de paix et idéalise une Asie pacifique qui, avec son moine indien, son paysan chinois et son guerrier japonais, n’a pas sacrifié son âme et son sens de la beauté à la technologie.

Il évoque le péril jaune en Russie et invite l’Occident, qui a créé la catastrophe blanche, à apprendre de l’Orient.

Le Japon, confiant dans les origines autochtones de sa modernisation, s’est fixé un objectif civilisateur : revaloriser l’Asie.

La thèse de la mission du Japon en Asie a ainsi été créée, conduisant au concept d’une zone de coprospérité est-asiatique comme restauration de l’Asie. L’enthousiasme cosmopolite du début de la période Shôwa a fait place à un culturalisme ethnocentrique et à une pensée panasiatique.

Okakura a inspiré une philosophie japonaise post-Meiji qui cherchait à positionner le Japon en Asie et a produit des vues globales, bien qu’elles aient été conçues comme une réponse, directe ou indirecte, à la menace de l’Occident.

Watsuji Tetsuro (1889-1960) répond à la Phénoménologie des Geist de Hegel dans Fudo (1935), qui retrace son parcours historique d’est en ouest, par une Climatologie de l’esprit qui lie l’individu à la nature et à la société sans les séparer de l’objet de la matière.

La présence occidentale en Asie est éthiquement indéfendable selon une éthique climatologique qui diffère selon les pays. Les écrivains ne manquent pas lorsqu’il s’agit de présenter le Japon en Extrême-Orient et face à l’Occident.

D’autres œuvres tentent de réconcilier l’Occident et l’Extrême-Orient à travers le Japon, à côté de romans populaires qui dépeignent la lutte du Japon contre l’Amérique.

Dans Un Bal a Yeddo, Pierre Loti décrit une fête au Rokumeikan, où les Japonais rampent sur le sol comme des singes dressés et où la délégation nord-chinoise est décrite comme de nobles représentants de la tradition. Akutagawa Ryûnosuke répond au Bal avec Akiko, créature des lumières de l’ère Meiji au sens littéral du terme.

L’appréhension de l’Extrême-Orient dans la littérature japonaise, en revanche, est représentée comme une expérience corporelle angoissante. Dans Nobi (1952), Les Feux, d’Ooka Shôhei, un soldat perdu aux Philippines dévore ses compagnons.

Dans Haut le cœur (1968) de Takami Jun, l’anarchiste a le frisson du meurtre et de la démolition, et la séquence finale à Shanghai, dans laquelle il éjacule en décapitant un captif chinois, dépeint une quête somatique selon laquelle l’Asie est le lieu de la consommation.

La notion de paix est en contradiction avec de nombreuses idées politiques de l’époque. Dans la littérature japonaise, et plus encore dans les écrits chinois, le Japon et la Chine ont servi de modèles à suivre pour les nations colonisées.

Le concept d’Extrême-Orient n’a pas disparu de la culture occidentale. Il apparaît dans les noms des publications spécialisées, signifiant un ensemble économique ou culturel en concurrence avec d’autres termes comme Asie ou Asie orientale.

Les récits de voyage contemporains documentent la défiguration de l’Extrême-Orient au profit d’un village global aux couleurs américaines, tandis que les récits de voyage contemporains enregistrent

La culture du Kentucky frit est ridiculisée avec un sourire en coin. Les géographes et les politologues ont chroniqué les rôles du Japon en Asie de l’Est, y compris sa position en Asie : Mutatis mutandis, le Japon a redéfini son rôle en Asie comme le lien entre lui et l’Occident tout en adoptant un troisième slogan, shinbei nyua : proximité de l’Amérique, retour en Asie.

Le terme « asiatique » évoque l’image de la Chine, qui symbolise l' »Asie rebelle » qui n’a jamais eu de contact avec l’Occident.

La régionalisation asiatique est influencée par les deux images de la Chine et du Japon, malgré leurs différences.

Même si elle n’était à l’origine qu’une idée politique, l’expression « Asie-Pacifique » évoque un imaginaire communautaire, même si sa signification est vague. Des cohérences culturelles est-asiatiques se forment en conséquence.

Les médias, plus que la littérature, sont le moyen de comprendre cette histoire interdépendante.

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